Bonjour monsieur le Président ou Namaskara uncle comme on dit chez nous.
Entre nous il n’y a plus de protocole, c’est la famille.Orange, Blanc, Vert, entre nos drapeaux il n’y a que 90 degrés d’inclinaison. Nous partons dans des directions différentes mais certainement sur les mêmes valeurs. »La paix n’est pas un vain mot mais un comportement », ces mots d’Houphouet Boigny résonnent encore dans nos esprits autant que le combat de Gandhi pour la dignité humaine et la justice sociale.
Uncle, quand j’ai appris ta visite chez moi j’ai été surprise et heureuse. C’est la première fois que la plus haute autorité indienne met les pieds sur notre sol en visite officielle. Mais il est vrai qu’il y a longtemps que nous partageons des valeurs économiques et peut être même idéologiques.Depuis quelques années j’entends de plus en plus parler de ces partenariats, de ces accords et même de ces bourses que tu offres à la communauté africaine.
Le commerce bilatéral entre l’Inde et la Côte d’Ivoire est passé de 345 millions en 2010-2011 à 842 millions USD en 2014-2015. Dans le cadre de la coopération Sud-Sud, l’Inde a accordé une ligne de crédit d’un montant de 156 millions USD au gouvernement de Côte d’Ivoire pour financer des projets de développement. J’ai appris que ces projets touchaient à des secteurs très divers, tels que le transport public, l’électrification rurale, l’autosuffisance en riz, la transformation des noix de cajou, l’extraction d’huile végétale, le traitement des fibres de noix de coco ou encore le traitement des produits de la mer et le pôle de biotechnologies.(Source: MEA)
Incredible India
La paix, l’amour, les couleurs mais aussi la douleur.
Uncle, tu ne le sais peut être pas, tu n’es président que depuis 2012, mais tes compatriotes ont beaucoup de mal avec nous.
Nous (africains) avons une grande part de responsabilité dans ses heurts que nous vivons. On a tellement idéalisé ton pays, on s’est trop vite senti chez nous chez vous. A nos aises on a investit votre territoire sans penser qu’on pouvait vous blesser par nos attitudes. Ce n’était pas intentionnel.
Ton pays m’a accueilli, m’a donné le savoir que je mets aujourd’hui au service du mien. Ton pays m’a fait rêvé, m’a fait grandir. Je savais que j’étais noire mais je ne m’étais jamais sentie noire.
C’est quoi « être noir » ?
Etre noir chez toi c’est être au bat de l’échelle, c’est être dévisagé, c’est être insulté, c’est être stigmatisé.
C’est être agressé parce qu’on ne veut pas de toi là.
C’est être racketté parce que tu n’es pas d’ici.
C’est te faire refuser un appartement parce que les noirs ne sont pas propres, sont bruyants et vendent de la drogue.
Ce n’est pas avoir le secours de la police quand tu te retrouves dans une violente embuscade.
C’est ne pas avoir les premiers soins à l’hôpital sans vérification de ta carte de séjour.
Tant de clichés qui sont une réalité que j’ai vécue, que nous avons vécue mes frères noirs et moi.
Je me suis rarement sentie en sécurité chez toi. Trop souvent je me faisais interpeller dans la rue ; trop souvent je voyais des visages me regarder avec insistance, des chauffeurs de rickshaw nous insulter et cracher par terre quand on était pas d’accord avec le tarif qu’ils voulaient nous imposer.
J’avais pourtant mis une kurta sur un pantalon ample. Je n’étais pas mal vêtue, je vous respectais.
Trop souvent j’ai eu peur le soir ou quand je voyais des attroupements.
Quand j’appris ta visite ce 14 juin 2016, tous les souvenirs sont remontés à la surface. Ton pays m’a fait grandir, m’a appris à être tolérante. Je devais expliquer régulièrement que l’Afrique n’était pas un pays, que chez moi il y a des immeubles et des centres commerciaux, mais ça ne me peinait plus.
J’ai appris à être l’ambassadrice de mon pays. J’ai appris à aimer mon pays. Ton pays m’a apporté des expériences incroyables, des souvenirs exaltants et des amis que je garderais pour la vie.
Mais uncle maintenant que tu es venu nous rendre visite, que tu nous connais mieux, prends soin de mes frères qui sont encore chez toi. Demande à tes policiers de nous protéger, a tes compatriotes d’être patients et conciliants.
Nous voulons rester chez toi parce qu’on s’y sent malgré tout chez nous.
Nous ne sommes pas si différents.
Bon retour chez toi.
Merci pour tout.
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